Ryyan Alshebl, un jeune réfugié syrien élu bourgmestre d’un village en Allemagne

07/04/2023

Par Sandro Calderon

Le parcours exceptionnel d'un réfugié syrien en Allemagne. En 2015, comme des centaines de milliers d'autres Syriens, le jeune Ryyan Alshebl avait fui son pays dévasté par la guerre civile. Huit ans plus tard, il a été élu bourgmestre du village d'Osltelsheim, dans le sud-ouest de l'Allemagne.

Le jour de la victoire

Olstelsheim est un village de 2500 âmes, niché dans les paysages verdoyants du land du Bade-Wurtemberg. Dimanche dernier, il y règne une agitation particulière. En soirée, de nombreux habitants se rassemblent dans la salle du conseil communal pour connaître le nom de leur futur bourgmestre. Le résultat, annoncé par le bourgmestre sortant, tombe à 18h40 : "Ryyan Alshebl a obtenu 55,41% des voix". Un score accueilli par une salve d'applaudissements et suivi par les compliments des électeurs qui ont voté pour le réfugié syrien. "C'est tout simplement génial ! Nous sommes heureux que quelqu'un d'aussi courageux ait gagné l'élection. Un visionnaire comme ça, on en a besoin", se réjouissent des électeurs et des électrices au micro de la SWR, la radio et télévision régionale.

Passé le moment de surprise, Ryyan Alshebl salue sa victoire avec ces mots : "Ostelsheim a donné aujourd'hui un signe de tolérance et d'ouverture au monde pour toute l'Allemagne". Son premier coup de téléphone sera pour ses parents restés en Syrie.

La fuite vers l'Allemagne

Ryyan Alshebl est né à Soueïda, une petite ville du sud de la Syrie. En 2015, en pleine guerre civile, le jeune homme de 21 ans doit choisir : intégrer l'armée du président Bachar Al-Assad ou prendre le chemin de l'exil. Ce sera l'exil. Comme beaucoup de ses compatriotes, il passera par le Liban et la Turquie où il montera à bord d'un canot pneumatique qui le déposera sur l'île grecque de Lesbos.

Sa route s'arrêtera dans le sud de l'Allemagne. Ryyan Alshebl apprend très vite l'allemand et s'installe dans la commune d'Althengstett où il suit un stage d'employé administratif et acquiert la nationalité allemande. Dans sa lancée, il intègre les services communaux où il s'occupe de la petite enfance et de la numérisation.

Mais 7 ans plus tard, ce travail administratif ne lui suffit plus. Ryyan Alshebl pense qu'il pourrait en faire davantage en tant que bourgmestre. Le maire d'Althengstett, Clemens Gôtz, apprécie le jeune homme, son "intelligence, sa grande capacité d'apprentissage" et le pousse à se présenter dans le village voisin d'Ostelsheim.

Une campagne électorale plutôt positive

Et Ryyan Alshebl accepte le défi. Il prend des congés supplémentaires et le voilà parti dans une campagne électorale qui durera dix semaines. Dans les rues d'Ostelsheim, apparaissent des affiches avec son son visage et le slogan "un nouveau centre vivant". Le candidat distribue des flyers, passe ses journées à faire du porte-à-porte. Il est suivi par un confrère de la SWR. Ici, une jeune maman l'accueille chaleureusement : "Vous pouvez être sûr de notre vote !". Là, un retraité souligne ses compétences : "Nous avons besoin d'un bon candidat. Qu'il soit syrien, allemand ou roumain, je m'en fiche."

"Je suis surpris par l'ouverture d'esprit des gens. Jusqu'à présent, je n'ai fait que très rarement des expériences négatives", s'étonne Ryyan Alshebl. "Cela ne va pas de soi dans une région rurale marquée par le conservatisme. Avec cette élection, la commune de 2500 habitants a prouvé le contraire", se réjouit-il au micro de la ZDF.

"Wir schaffen das"

A 29 ans, Ryyan Alshebl va donc gérer le village d'Ostelsheim. S'il a été élu en tant que candidat indépendant, le réfugié syrien est membre des Verts. Son programme se veut progressiste. Ses priorités sont la petite enfance, les transports publics, la protection de l'environnement. Celui qui s'est rapidement intégré dans son pays d'accueil est également sensible à la cohésion sociale. Il trouve dommage que les nouveaux arrivants ne s'identifient pas à leur village.

Ryyan Alshebl entrera en fonction le 18 juin prochain. Heureux de sa nouvelle mission, il a fait sien le slogan de l'ancienne chancelière allemande Angela Merkel, "Wir schaffen das", "Nous y arriverons" quand, en 2015, elle a ouvert les portes de l'Allemagne à des centaines de milliers de migrants. Huit ans plus tard, Ryyan Alshebl y est arrivé. Il a réussi son intégration et est devenu bourgmestre. Selon la presse allemande, il est probablement le premier bourgmestre d'origine syrienne dans le land du Bade-Wurtemberg. Une victoire exceptionnelle. L'année dernière, sur les 337 bourgmestres que compte l'Allemagne, seuls 4 étaient issus de l'immigration.