Investigation : l’aide alimentaire soutient 600.000 personnes en Belgique, "sans nous, certains ne mangeraient pas"

15/03/2023

RTBF Par jcad

600.000 personnes survivent grâce à l'aide alimentaire en Belgique. Sur le terrain, ce sont souvent de petites associations de quartier qui distribuent de quoi se nourrir aux plus démunis. Pour découvrir ce qui se cache derrière ces chiffres, ces statistiques, nous sommes allés à la rencontre des bénéficiaires de cette aide mais aussi des bénévoles qui leur tendent la main.

Sans nous, certains ne mangeraient pas, tout simplement.

Jeudi matin, nous arrivons dans les faubourgs de Tournai, sur le site des Oeuvres Paroissiales "Notre-Dame Auxiliatrice", une association affiliée à la fédération des Banques Alimentaires de Belgique. C'est Thérèse Boen, la présidente, qui nous accueille. À près de 80 ans, elle constate que les personnes en difficulté n'ont jamais été aussi nombreuses dans son quartier : "Déjà nous, quand on fait nos courses, on voit les prix qui augmentent à une vitesse phénoménale. Alors, on se dit que les gens qui ont peu de revenus, ils ne peuvent plus y arriver…" Un peu désabusée, elle ajoute : "C'est l'air du temps… Maintenant, certains nous disent que si nous n'étions pas là pour les aider, ils ne mangeraient pas, tout simplement."

Au début, j'avais honte.

Un sac vide à la main, Ginette, aide ménagère à la retraite, court pour rejoindre la file des bénéficiaires du jour. Dans ce quartier de Tournai, tout le monde la connaît. Elle vient à l'association chaque semaine : "On peut choisir un peu. On nous donne des fruits, des légumes, du fromage, même des desserts. Un peu de tout, quoi. Et tout est gratuit." Ginette a travaillé toute sa vie mais sa pension ne lui permet plus de vivre correctement. Après avoir payé son loyer, les charges, il ne lui reste presque plus rien pour se nourrir, surtout depuis l'augmentation des prix des denrées alimentaires. Alors, un jour, elle prend son courage à deux mains et franchit la porte de l'association la plus proche de chez elle. "Au début, j'avais honte. Je me suis toujours débrouillée, jusqu'ici. Ce n'est pas évident, même vis-à-vis de la famille, c'est dur. Et maintenant, je n'ai plus de gêne. Que voulez-vous, je n'ai pas le choix."

On voit de plus en plus de jeunes, c'est triste…

Attablée dans un coin du local, à l'abri des regards, Nadine, une bénévole de l'association, accueille un nouveau bénéficiaire. "C'est important de respecter leur vie privée. Mais on doit savoir qui vient ici, quelle est la situation familiale, pour être équitable avec tout le monde et répartir correctement ce que l'on donne." Pour Nadine, son rôle dépasse de loin les simples tâches administratives : "On écoute les bénéficiaires, on les réconforte. Et parfois, je me demande pourquoi ce sont eux de l'autre côté de la table et pas moi. Ils sont ici souvent après un accident de la vie, qui pourrait arriver à tout le monde." Nadine constate, elle aussi, que les inscriptions sont de plus en plus nombreuses et les situations des bénéficiaires parfois catastrophiques. "On voit de plus en plus de jeunes, parfois avec des enfants. On n'a pas vraiment de solution, on les aide comme on peut. C'est triste."

Main dans la main, un jeune couple se présente devant les étals de l'association. Têtes baissées, ils remercient à voix basse les bénévoles qui leur donnent leur nourriture. De quoi tenir une semaine. Elle a 22 ans, lui 24. "On vit dans un appartement avec plusieurs locataires et on peut voir que presque tous nos voisins viennent ici. Et on croise de plus en plus de jeunes comme nous. On n'arrive plus à faire face aux augmentations des prix. Moi, je cherche du boulot dans le maraîchage mais je n'ai même pas de quoi payer le permis de conduire. C'est vraiment difficile, surtout que nos parents ne sont pas très aisés non plus, ils ne peuvent pas nous aider."

Dans ce petit quartier, ces bénévoles viennent en aide à près de 200 personnes. Pour la région de Tournai et de Mons, ils sont 11.000 à survivre grâce aux banques alimentaires. Ce nombre continue d'augmenter, dans toutes les régions, dans tout le pays. Mais partout, des associations se battent sur le terrain pour donner à leurs bénéficiaires de quoi se nourrir mais aussi une écoute, du réconfort, une lueur d'espoir.