Grève du 7 mars contre la réforme des retraites : à quoi faut-il s'attendre ?

04/03/2023

Par Charles Plantade et Wladimir Garcin-Berson Publié le 14/02/2023 à 16:45

La journée de mobilisation, qui pourrait devenir le point de départ d'une grève reconductible, devrait être l'une des plus importantes depuis le début du mouvement de contestation.

Pieds et poings levés. La sixième journée de mobilisation contre la réforme des retraites promet d'être percutante. C'est du moins le souhait des principaux syndicats qui appellent à «mettre la France à l'arrêt» le 7 mars prochain. Une promesse-boulet de canon pour tenter de faire reculer l'exécutif. En outre, des organisations appellent à démarrer, ce jour-là, une grève reconductible dans certains secteurs.

Aucune fédération n'est en mesure de prédire avec précision l'ampleur des grèves, mais tous s'attendent à une «journée noire» dans de nombreux secteurs. Le Figaro fait le point sur l'ampleur de la mobilisation à venir.

Transports : le ferroviaire particulièrement touché

De nombreuses perturbations vont toucher les réseaux de transport, alors que des appels à la grève reconductible ont été lancés dans le ferroviaire. À quelques jours de la journée de mobilisation, le ministre délégué chargé des Transports, Clément Beaune, a d'ailleurs invité «toutes celles et tous ceux qui ont la possibilité de télétravailler évidemment de s'en saisir», mardi prochain.

  • Ferroviaire : des grèves reconductibles attendues

Des perturbations massives et durables sont à craindre sur le rail. À compter du 7 mars, «toutes les cheminotes et tous les cheminots» de la SNCF sont appelés à participer à une grève reconductible par l'ensemble des syndicats représentatifs de l'entreprise publique. Les quatre organisations espèrent ainsi renforcer la pression sur l'exécutif, alors que le texte du gouvernement est examiné au Sénat depuis début mars.

Un durcissement du conflit, souhaité par certains acteurs : «Seule une grève reconductible est susceptible de faire plier le gouvernement. Un empilement de journée disparate ne pèse en revanche que sur le salaire des grévistes», estimait ainsi Fabien Dumas, secrétaire fédéral SUD-Rail. L'Unsa ferroviaire précise toutefois, dans un communiqué, qu'elle regardera «chaque jour le taux de grévistes à la SNCF et dans les entreprises» du secteur comme ailleurs, afin de décider «des suites à donner à ce mouvement».

Les transports franciliens seront fortement perturbés à partir de mardi prochain. Le 11 février, l'intersyndicale de la RATP a appelé à participer à une «grève reconductible à partir du 7 mars 2023 afin de peser encore plus fort et gagner le retrait de ce projet de loi». Les organisations ne cachent pas leur ambition : «Pour être efficace, la grève doit se poursuivre sur une dizaine de jours. L'objectif est de bloquer Paris au moins deux week-ends de suite», indiquait au Figaro le secrétaire général de l'UNSA-Ferroviaire, Didier Mathis.

  • Des appels à la grève du côté des transporteurs routiers

Sur les routes, certains syndicats, comme la Fédération Nationale des Transports et de la Logistique FO, ont appelé les conducteurs à se «mettre à l'arrêt», afin de perturber les circuits logistiques.

  • Des annulations de vols dans les aéroports

La grève risque aussi de perturber les vols, les 7 et 8 mars prochain. Ce jeudi, la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) a indiqué que le trafic serait «perturbé au départ et à l'arrivée» de nombreux aéroports de l'Hexagone. Les difficultés sont attendues à partir du 6 mars au soir, jusqu'au «jeudi 9 mars à 6h du matin».

Dans le détail, un vol sur cinq sera annulé à Paris Charles-de-Gaulle, et 30% seront annulés dans les aéroports de Nice, Beauvais, Orly, Bordeaux, Lille, Lyon, Nantes, Marseille, Montpellier et Toulouse. Outre ces annulations demandées par l'administration, «des perturbations et des retards sont néanmoins à prévoir», précise la DGAC dans un communiqué. Les autorités demandent donc aux passagers qui le peuvent de «reporter leur voyage», ou de s'informer auprès de leur compagnie, pour savoir si leur avion est maintenu.

Énergie : une mobilisation forte dès ce week-end

Comme lors des dernières journées de mobilisation, le secteur de l'énergie a prévu des actions. La CGT a d'ailleurs démarré les hostilités en amont de mardi. Ainsi, dans la nuit de vendredi à samedi, les agents d'EDF ont procédé à plusieurs baisses de production d'électricité, représentant près de 3000 mégawatts au total, soit l'équivalent de trois réacteurs nucléaires. Quant au gaz, l'arrêt d'une partie de la centrale thermique de Martigues, dans les Bouches-du-Rhône, entraîne une baisse de «460 mégawatts retirés du réseau», selon la CGT, citée par l'AFP.

Carburants : vers une nouvelle mobilisation dans les raffineries

La CGT a acté la grève reconductible dans les raffineries à partir du 6 mars. De quoi rappeler aux automobilistes quelques mauvais souvenirs, puisque le blocage des raffineries en octobre dernier avait conduit à des ruptures d'approvisionnement et des files d'attente monstrueuses devant des stations-service.

Cet appel de la fédération chimie de la CGT - la FNIC-CGT - concerne aussi « l'industrie pétrochimique, les industries pharmaceutiques, le caoutchouc et la plasturgie », a indiqué Éric Sellini, le coordinateur CGT pour le groupe TotalEnergies. «Toutes les actions doivent être mises en place pour désorganiser ou cesser les chargements des camions. Non pas simplement là où c'est possible, mais partout où c'est nécessaire», souligne la FNIC-CGT dans un tract.

Éducation : vers des écoles totalement fermées ?

L'intersyndicale de l'éducation, regroupant les sept principaux syndicats enseignants, a, appelé à ce que les grèves permettent de «fermer totalement les écoles, collèges, lycées et services» le 7 mars.

La date choisie par l'intersyndicale s'inscrit dans une stratégie finement définie. La semaine du mardi 7 mars, toute la France sera de retour au travail après les vacances hivernales. De-là, les grèves et les actions paralysantes auront d'autant plus d'impact. Le taux de débrayage devrait également grimper, comparé à ceux du 16 ou du 11 février. Suivra le lendemain la journée internationale de la lutte pour les droits des femmes, dont les syndicats comptent bien «se saisir (...) pour mettre en évidence l'injustice sociale majeure de cette réforme envers les femmes».

Les éboueurs entrent dans le conflit

La CGT, majoritaire dans de nombreuses villes françaises, a lancé un appel à la grève reconductible dans les secteurs de la collecte des déchets et ordures ménagères, du tri et du traitement des déchets, à compter du 7 mars. «C'est notre contribution, notre participation à l'appel de l'intersyndicale pour le blocage de l'économie», a déclaré à l'AFP le secrétaire fédéral de la CGT-services publics, François Livartowski.

Des appels à la mobilisation dans d'autres secteurs

La grève risque également de perturber d'autres domaines, où des appels ont été lancés par les organisations syndicales. La CGT Transports a ainsi appelé les livreurs des plateformes comme Uber Eats ou Deliveroo à cesser le travail le 7 mars. Dans la fonction publique, des préavis ont aussi été déposés, notamment par la CGT : «Notre fédération appelle l'ensemble des agent·es à préparer, la mise à l'arrêt, la fermeture, de leurs services dès le 7 mars. Elle soutiendra toutes les actions et mobilisations participant à l'élévation du rapport des forces», indique l'organisation. Même mobilisation chez les dockers, une profession dans laquelle la CGT est fortement représentée : des «arrêts d'heures supplémentaires et des shifts exceptionnels» ont déjà commencé pour «désorganiser la production», a annoncé la Fédération nationale des ports et docks du syndicat, début mars.

Cette liste n'est pas exhaustive, d'autres professions pouvant descendre dans la rue mardi. La CGT espère ainsi que les fédérations de la construction, bois et ameublement ainsi que celle du commerce se joindront à la grève reconductible. De même, Laurent Berger, leader de la CFDT, invitait récemment tous les Français à joindre «symboliquement» le mouvement, par exemple «en baissant le rideau de leurs magasins une heure ou deux».

Pour l'heure, les appels à multiplier les grèves reconductibles ne sont pas encore repris à l'échelle nationale, les avis des organisations opposées au projet du gouvernement différant sur cette stratégie. Laurent Berger a précisé ne pas encore être «dans la logique de la grève reconductible», expliquant que le 7 mars fera l'objet d'un «appel à la grève de 24 heures mais pas forcément davantage». Comme le souligne justement Yvan Ricordeau, secrétaire national de la CFDT, le mot «reconductible» n'apparaît pas dans les communiqués communs diffusés par l'intersyndicale jusqu'ici.