Bruxelles et son Métro Nord : stop ou encore ?

24/03/2023

Par Jérôme Durant

A l'origine, il devait coûter 1,6 milliard d'euros. A l'arrivée, il pourrait coûter 3 milliards d'euros, si tout va bien. Un budget presque deux fois supérieur aux prévisions : les projections financières pour le projet Métro Nord, aussi appelé Métro 3, donnent le tournis.

Face à l'explosion de la facture du chantier embourbé sous le Palais du Midi, la Région bruxelloise ne va-t-elle pas droit dans le mur ? Ne ferait-elle pas mieux de faire demi-tour ? A en croire le gouvernement, il n'y a plus de marche arrière possible, en tout cas en ce qui concerne le tronçon Albert-Gare du Nord. Ce chantier-là, qui consiste à transformer le prémétro en métro, est déjà trop avancé. L'argent engagé ne pourra être récupéré. "Le point de non-retour est atteint", dit Elke Van den Brandt (Groen), ministre de la Mobilité.

Mais pour la deuxième moitié de la ligne, encore entièrement à construire, une marche arrière est encore possible. Ce tronçon qui reliera la Gare du Nord à Bordet nécessite de percer un tunnel de 4,5 km et de construire sept stations.

A part des études ou des travaux préliminaires, rien n'a été entrepris sur ce tronçon. Or, ce chantier-là, c'est plus de deux tiers du budget total du projet Métro 3, avant même toute mauvaise surprise dans les sous-sols de Schaerbeek ou d'Evere. Il n'en fallait pas plus pour relancer le débat sur le financement, voire la poursuite de ce projet. Son abandon soulagerait évidemment les finances régionales déjà dans le rouge.

Ecolo marche sur des œufs

"Écolo ne demande pas l'abandon du projet de Métro Nord. Il fait partie de l'accord de majorité", pose Isabelle Pauthier, députée bruxelloise Écolo, un parti historiquement opposé au métro nord, mais entré en 2018 dans une majorité favorable au projet. "Ce que nous disons, par contre, c'est qu'il faut boucler le financement avant toute décision irréversible, avant d'adjuger les travaux notamment." Isabelle Pauthier fait ici allusion aux permis et marchés qui ne devraient pas être attribués avant 2024, ce qui laisse un peu de temps à la réflexion.

Quid par exemple du développement et de la réorganisation du réseau tram comme alternative à cette nouvelle ligne de métro ? C'est ce que suggère une plateforme d'une vingtaine d'associations et de comités de riverains. "J'ai demandé que ces personnes soient auditionnées en commission mobilité du Parlement et qu'on ait des réponses par rapport à l'alternative qui est sur la table", glisse la députée verte.

Mais Écolo est isolé dans ce dossier. Sans dénier le problème financier, ses deux partenaires de majorité plaident pour finaliser le Métro Nord. "Moi, je fais confiance aux experts de Bruxelles-Mobilité et de la Stib, qui ont à un moment donné mis sur la table l'option métro, et pas celle du tram", tranche Ridouane Chahid, chef de groupe PS au Parlement bruxellois.

"Le tram est saturé. Le métro est la mobilité du futur", enchaîne Emmanuel De Bock, chef de groupe Défi, qui pointe comme responsables des difficultés techniques et financières actuelles "les experts et bureaux d'études, pas les responsables politiques."

L'opposition soutient l'option métro

Premier parti d'opposition en sièges, le MR a toujours soutenu l'idée d'une nouvelle ligne de métro. L'explosion de la facture ne modifie pas l'avis de son chef de groupe. "J'entends bien les difficultés techniques et financières, il faudra d'ailleurs déterminer les responsabilités. Mais si on est allé sur la Lune, on finira bien par réussir à construire ce métro", sourit David Leisterh.

Dans un registre imagé, lui aussi, Christophe De Beukelaer (Les Engagés) rejette l'option tram. "Moi, j'ai envie de faire de Bruxelles une capitale internationale, et pas un village de campagne. Quand on se lance dans un projet de telle ampleur, ce n'est pas face au premier obstacle qu'on doit faire demi-tour. On est face à un problème budgétaire. C'est le gouvernement qui l'a créé, il doit venir avec des solutions", affirme Christophe De Beukelaer.

A ce titre, ce jeudi, le gouvernement a confirmé qu'il allait demander une rallonge de près de 500 millions d'euros au fonds fédéral Beliris, qui finance les grands projets de Bruxelles en vertu de son statut de capitale.