Pour les mamans migrantes : l’accès au marché du travail est compliqué

02/03/2023

À l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le Réseau Européen des Femmes Migrantes (ENoMW) et ses membres en Belgique organisent deux événements pour visibiliser les réalités des mères migrantes.

Ce Réseau, qui existe depuis 2012, a été créé par un groupe de femmes migrantes elles-mêmes, venant d'Afrique ou encore d'Amérique du Sud, dans le but de faire entendre leurs voix dans les décisions prises au niveau européen.

Aujourd'hui, il compte plus de 50 organisations dans 23 pays. "Les organisations qui sont membres de notre réseau ont également été fondées par des femmes migrantes. Ou alors, elles œuvrent spécifiquement pour les droits de ces femmes. C'est important pour nous car un certain nombre d'organisations qui travaillent sur la question de la migration n'utilisent pas l'angle du genre. Du côté féministe aussi, ce sont des réalités dont on ne parle pas encore assez. Les femmes migrantes demeurent un groupe peu visible", explique Adriana S.Thiago, chargée de communication pour le Réseau Européen des Femmes Migrantes.

Le travail de cette association-coupole a été récemment marqué par la situation en Afghanistan. "Nous avons organisé l'évacuation de femmes hors d'Afghanistan lorsque les talibans ont repris le pouvoir en 2021. Cela nous a beaucoup occupées", continue-t-elle.

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"Nous avons aussi la particularité d'être un réseau universaliste, c'est-à-dire que les droits des femmes ne sont pas à géométrie variable : toutes les femmes, peu importe d'où elles viennent, peu importe qui elles sont, doivent avoir accès aux mêmes droits. Nous sommes également abolitionnistes et je précise que c'est une demande des femmes migrantes, parce que nous savons tout ce qui arrive à nos sœurs. On ne peut pas faire l'impasse sur ce sujet. L'abolitionnisme n'est pas une question de féminisme blanc et bourgeois : les femmes qui sont exploitées sexuellement au sein de la prostitution et de la pornographie sont majoritairement issues des pays les plus pauvres, beaucoup d'entre elles n'ont pas de papier, et n'ont pas accès à la justice et aux soins de santé. L'âge d'entrée dans la prostitution est en moyenne de 14 ans…"

"On m'a licenciée parce que je suis mère"

Si le Réseau a choisi de se concentrer, à l'approche du 8 mars, sur l'accès à l'emploi des mères migrantes, c'est parce qu'elles rencontrent des difficultés spécifiques. L'organisation participe au projet européen Moms at Work (Mamans au travail) qui s'intéresse à l'emploi durable des femmes migrantes. "L'Union européenne est défaillante en ce qui concerne l'emploi des femmes, mais pour les femmes migrantes, la situation est encore pire. Il y a différents obstacles à leur intégration au marché du travail : le racisme et la misogynie qui s'additionnent, il y a la barrière de la langue, le manque d'information, par exemple sur les possibilités d'accueil des enfants. Il y a aussi un manque de reconnaissance des psychotraumatismes qui affectent les femmes migrantes et qui sont un grand obstacle au fait de trouver un emploi pérenne. Il faut encore lutter contre des stéréotypes tenaces sur l'emploi des femmes, selon lesquels il ne serait pas nécessaire que les femmes travaillent, etc.", souligne Adriana S.Thiago.

Ainsi, Marilyn, maman de 28 ans originaire d'Équateur mais qui vit aujourd'hui en Espagne depuis 3 ans, témoigne pour le projet Mums at work : "Trouver du travail est difficile pour moi, c'est le plus grand problème auquel je fais face. Du côté du travail, j'ai ressenti beaucoup d'injustices. Dans mon emploi précédent, on m'a fait signer un papier disant que je démissionnais alors qu'en réalité, on m'a licenciée parce que je suis mère. Je me sens seule parce que je suis avec deux enfants dans un pays où je suis beaucoup jugée."

Dans le secteur du soin

Les travailleuses migrantes vont très souvent se retrouver dans le secteur des soins aux autres, du care, c'est ce qu'on appelle la chaine globale des soins. Contrairement aux idées reçues et à la dévalorisation qui entourent ces métiers, il s'agit d'un travail important pour la société, qui demande des compétences professionnelles.

"Ces mamans s'occupent des enfants ou de personnes âgées d'autres familles, ici en Europe, alors qu'elles manquent de structures pour garder leurs propres enfants et travailler sereinement ! Elles contribuent énormément à la vie économique et sociale dans l'Union européenne. Il faut sortir ces femmes du silence qui leur est imposé et valoriser le fait que ce sont des professionnelles qui ont des compétences, qui ont d'ailleurs réussi à dépasser tous les obstacles dressés sur leur chemin. Elles peuvent tout faire ! Une étude de l'OCDE a pourtant montré en 2018 qu'environ 30% des femmes migrantes occupent des emplois peu qualifiés en Europe du Sud, ce qui a souvent pour conséquence que les qualifications de ces femmes restent inutilisées. Cela souligne l'importance d'aider les femmes migrantes, et en particulier les mères migrantes, à occuper des emplois plus qualifiés, contribuant ainsi à leur intégration sociale et économique, ce qui profitera à la génération suivante. Les recherches de l'OCDE montrent que les femmes réfugiées et migrantes reçoivent également moins d'aide à l'intégration que les hommes migrants", ajoute Adriana S.Thiago.

L'événement "Mamans du Monde : Maternité et Migration" du 4 mars prochain est ouvert à tous et toutes. Il s'agit d'une après-midi complète de discussions, d'ateliers, d'activités et de divertissement, par et pour les mères migrantes, leurs familles, leurs ami.es et le grand public. Plusieurs associations seront présentes, comme l'association isala qui parlera du logement des femmes en situation de prostitution, mais aussi les associations Angela D., la Ligue des travailleuses domestiques ou encore la Sister's House. La chanteuse sénégalaise Daba Makourejah viendra clôturer la journée. Elle est l'une des voix féminines issue du continent africain à s'être imposée sur la scène Dub internationale.

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Le 6 mars, un séminaire organisé au Comité économique et social européen, permettra d'en savoir plus sur le projet Mums at work et sur l'étude menée auprès des femmes migrantes dans plusieurs pays européens.

Infos pratiques

L'événement "Mamans du Monde : Maternité et Migration" se déroulera le samedi 4 mars 2023, de 13h à 21h, à La Tricoterie (Bruxelles).

Le séminaire "Migrant Mothers in Europe : Building a Common Future" se déroulera le lundi 6 mars 2023 de 11h à 13h30, au Comité économique et social européen (Rue Belliard 99/101, 1000 Bruxelles).